En route pour l’aventure !

[…] Tous, nous avons le sentiment de notre impuissance à communiquer aux auditeurs ou aux lecteurs l’esprit d’un hivernage polaire […. ] Rien d’étonnant, après ça, si le public conserve des idées vagues, pour ne pas dire fausses, sur ce qu’on peut faire au pôle sud […] Notre histoire serait celle de n’importe quelle communauté sans le climat de Terre Adélie qui ajoute à la monotonie des tâches quotidiennes, l’air du large. […] Nous n’étions pas en Terre Adélie pour souffrir mais pour travailler, et le confort est la première condition d’un travail facile, on ne s’étonnera donc pas de nos matelas à ressorts et de nos menus. […]. Mieux que de longs discours,la lecture de notre vie de tous les jours fera ressortir le portrait de chacun d’entre nous. […]

Extrait de Blizzard, Terre Adélie 1951 de Michel Barré

Ne sachant trop par où et par quoi commencer pour vous exprimer les premiers ressentis de notre début d’hivernage, j’ai préféré vous citer un extrait du journal d’une des premières missions en Terre Adélie.
Finalement, rien n’a beaucoup changé. On a toujours du mal à raconter ce que l’on vit ici, par contre niveau confort, c’est 100 fois mieux qu’à l’époque, c’est dire si on est bien !

Voilà maintenant 3 jours que nous sommes en hivernage. Je commence à peine à comprendre qu’il faut arrêter d’attendre plus de personnes à table ; je continue, par contre, à compter si nous sommes au complet à chaque repas ; et j’ai le cœur serré à chaque fois qu’on évoque une histoire de la campagne d’été…

Trois jours, me direz-vous, ce n’est pas beaucoup pour commencer à en parler. Pourtant, en trois jours, certaines de nos règles de vie ont bien changé. Nous commençons, chacun, à donner notre vision des choses. Nous sommes déjà un vrai groupe, enfin ça c’est mon point de vue !

Et puis, au niveau de mon boulot, les choses ont bien changé aussi. Outre le fait que les poussins de manchots Adélie aient déserté l’île pour enfin rejoindre leur vrai élément (ça tout le monde le voit), les autres oiseaux commencent aussi à « voler de leur propres ailes ». Les poussins de Pétrels des neiges et de Damiers du cap ont perdu leur duvet et ont maintenant leurs plumes de « vol ». Je suis passé voir le nid du premier poussin de pétrel des neiges que j’ai vu éclore et celui que j’avais vu si petit  a disparu… envolé…

Finalement, il n’y a guère que les skuas qui continuent encore à s’exercer au décollage. Je croyais qu’ils seraient les premiers partis mais finalement ces malicieux préfèrent s’entrainer encore un peu avant le « grand saut ». Mince, mauvaise langue que je suis, je disais que tout le monde nous avait quittés, mais NON en fait ! Il reste encore les Fulmars. Eux sont si discrets qu’on les oublierait presque dans leur falaise !

Et puis, il y a encore autre chose. Ma nouvelle chambre donnant sur la mer, la première chose que je fais en me levant c’est d’aller voir ce qui se trame par la fenêtre. Hier encore, la première image de ma journée était le souffle d’une baleine au loin. Mais lorsqu’on regarde plus attentivement sur les côtes de l’île, on aperçoit des « pancakes », formations de glace en forme de nénuphars. Autrement dit… les prémices de la banquise. Bon, ce n’est pas encore tout de suite qu’on marchera sur l’eau... Mais pour moi, tous ces petits changements annoncent un tournant qui arrivera bien plus vite qu’on ne le croit !!!

Ah, une dernière chose qui me surprend beaucoup. La nuit ! C’est vrai, depuis un mois maintenant, la nuit est de retour. Mais, ces derniers temps, elle se fait de plus en plus imposante, de plus en plus noire et j’ai réalisé seulement hier qu’il faisait nuit à 22h. Evidemment, en vivant sans montre, je n’avais plus trop notion du temps et vivais presque au rythme de la lumière… Les temps changent, je vous dis, les temps changent !

Grosses bises à tous

Marie

PS : Et pour finir, une photo quand même de notre équipe de choc, TA60 au complet ! La photo date d’hier soir, pour l’anniversaire de Didier et c’est pour cette raison qu’on a tous des bretelles (signe distinctif du Didounet). Merci à Jean Baptiste d’avoir capturé le moment.

Comments

[Jean Presne]

J'ai lu le blogue avec nostalgie. J'ai fais partie de TA22 dans le groupe ionosphérique. C'est vrai que Terre Adélie est un lieu magique, qui reste gravé dans notre mémoire.

J'ai ramené dans mes bagages des oeufs et dépouilles de poussins gelés qui furent empaillés. Ils ont émerveillé les enfants de maternelles. De futur explorateurs.

Au plaisir.

Jean

[Alain AAEPF]

Marie, j'espère que vous avez fêté dignement cette journée du 8 mars, je te charge de souhaiter une très bonne fête de "la journée de la femme"(dont c'est la 100 éme édition) aux 6 hivernantes de la TA 60.

J'espère qu'aucune d'entre vous n'a été de "petite marie" ce jour là...!!!

Que seraient sans elles les Expéditions Polaires...!!!

De grosses bises pour toute les six.

Alain

[Moselle47]

face à la mer...au moins pour 8 mois...Dès que la banquise arrive pense à renégocier le loyer...surtout si le décor est différent des brochures présentées à l'agence...Point positif...
Tes esquimaux à la crème peuvent être oubliés dans le coffre de la voiture sans craindre un coup de chaud...plus encore s'ils sont parfum Nutella car tu ne leur laisseras pas le temps de vieillir...
Bisous Jean-Paul

[Alain AAEPF]

Marie, pour ce début d'hivernage, je ne peux pas m'empêcher de te livrer cette citation de J.B.C.

Bisous

Alain

« D’où vient l’étrange attirance de ces régions
polaires, si puissante, si tenace qu’après en être revenu on oublie les fatigues morales et
physiques pour ne songer qu’à retourner vers
elles ?
D’où vient le charme inouï de ces
contrées pourtant désertes et terrifiantes ? »

Jean-Baptiste Charcot