Les adeptes de la banquise
Je vous l’avais déjà annoncé début novembre : notre banquise s’est fait la malle. Bien qu’ayant perdu mon pouvoir de marcher sur l’eau, ce n’est pas sans un certain plaisir que j’ai retrouvé la mer… enfin la vraie, la bleue, brillante et liquide. Pourtant, ce n’est pas l’avis de tout le monde. Certains animaux (non je ne vous parle pas des hivernants) attachés à leur chère banquise l’ont certainement vu d’un autre œil que moi…
Et alors ? Que sont-ils devenus ? Que s’est-il passé ?
Les Empereurs, les Maîtres de la banquise ne se sont pas laissés prendre par la nature. On ne la leur fait pas si facilement à eux (pas cette fois du moins) ! Ils avaient déjà bien prévu leur coup. C'est-à-dire que la manchotière se situe à un endroit particulier, derrière l’île des Pétrels, sur la banquise qui relie toutes les grandes îles entre elles. Autrement dit, la toute première zone ayant pris en glace au mois de mars : la zone la plus solide et stable, une des seule où la banquise règne encore. Ainsi, les manchots Empereurs ont encore quelques beaux jours devant eux (enfin j’espère) pour pouvoir élever leur poussin à terme. Les petits poussins qui doivent encore un peu grandir, grossir et surtout muer avant de partir en mer, « voler » de leur propre ailes.
Manchots volent !
Pourtant, depuis plus de 2 semaines, il y a eu scission au sein de la manchotière. Oui, la manchotière s’est divisée. D’un côté, les partisans de « La Banquise Un Jour, La Banquise Toujours », de l’autre les « prudents » qui préfèrent escalader le glacier et le continent, emjamber les crevasses pour se mettre à l’abri de l’eau qui mouille. En effet, la moitié de la manchotière trône désormais en hauteur… manchotière continentale dirons-nous.
Manchotière
Banquise un jour, banquise toujours.
Quand aux phoques alors ? Nos bébés Weddell ?
Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?
J’ai aperçu Dumbo il y a quelques jours, mais je n’avais pas mon appareil photo sous la main pour vous l’immortaliser. Soyez rassurés, en tous cas, il se porte comme un charme et dépasse à coup sûr les 100-120 kg. Par contre, pas de nouvelles des jumeaux…. En 1977, une débâcle précoce (début novembre) a entraîné la mort de 45 % des petits Weddell de l’année (cf article scientifique de André Cornet et Pierre Jouventin, dans la revue Mammalia). Cette année, la situation ressemble à celle de 1977 et c’est pour cela que je me suis fait un sang d’encre pour les petits jusqu’à ce que je puisse en « contrôler » un certain nombre de retour dans les zones encore accessibles… Dumbo ainsi que certains autres sont là, une autre partie manque à l’appel. Je me dis qu’ils sont peut être ailleurs.
Mais en quoi une débâcle précoce peut causer la mort d’animaux pourtant dit marins ? Le phoque de Weddell a besoin de banquise pour élever son petit. En effet, la mère allaite son veau sur la glace de mer et cela jusqu’au sevrage du jeune (7 à 8 semaines après la mise bas). La femelle peut cependant se séparer de son veau durant quelques heures dans la journée, où elle repart à l’eau. Elle connait cependant le territoire où elle élève son petit et est donc capable de le retrouver. Dans le cas, où plusieurs femelles ont mis bas dans un même périmètre, la mère reconnait son propre petit dans un premier temps à son cri, mais plus précisément à son odeur (cf toujours article scientifique de André Cornet et Pierre Jouventin, dans la revue Mammalia). Dans le cas d’une débâcle précoce, le petit peut être entrainé sur une plaque dérivante et être ainsi séparé de sa mère qui ne le retrouvera pas. Quand à Dumbo, peut-être était-il déjà assez grand pour pouvoir suivre sa mère le temps de trouver un nouveau « territoire » avec elle…
Enfin pour tous les autres, plus adeptes du caillou que de la glace, je crois qu’ils sont plutôt contents que l’eau libre ait envahi les trois quarts de l’île des Pétrels. Ils peuvent ainsi se rendre au « restaurant » plus facilement. Les skuas sont pratiquement tous en train de couver leurs œufs. Les Adélie aussi d’ailleurs. Les Pétrels des neiges et les Damiers du Cap commencent égalelement la couvaison. Les Océanites de Wilson ne devraient pas tarder.
Grisou en noir et blanc
Et quand à moi, je vois le bon côté des choses. D’un côté les phoques et la manchotière, toujours là sur une irréductible bande de glace. De l’autre, une immensité d’eau libre, ponctuée de bergs. Magnifique. Et je guette…. je guette… je guette…. Je guette inexorablement la grosse bête noire et blanche. Allez les orques, on arrête de se faire désirer !
A la lueur d'un trou d'eau
Gros bisous
Et à bientôt,
Marie
PS : Un super bravo à la maman de Nico qui a trouvé Juju. Merci à tous les autres pour leur réponse qui m’ont fait bien rigoler !! Qu’est ce que vous avez gagné ? On aimerait bien pouvoir vous inviter !!